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12/06/2019

Pride Month Music: Amérique Latine.

Aujourd'hui, nous faisons escale au Chili et en Argentine avant de quitter le continent américain pour les Caraïbes. Rendez-vous samedi pour un nouvel article.

 

Jour 4: escale au Chili + Argentine.

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En 2015, Martina Petric bluffe les jurés de The Voice Chile avec son interprétation guitare-voix de One Martina Petric.jpgdu groupe U2. La jeune femme quitte le télé-crochet en demi-finale mais, compte bien percer dans la musique. Bercée par le rock des années 70 qu’écoutait son père, elle reçoit une guitare électrique à ses quinze ans et se met à composer des chansons. Ce que Martina Petric considérait à l’époque comme un hobby devient progressivement une passion dévorante à laquelle elle décide de se consacrer.

Elle est membre du groupe Life Noise puis forme le duo Before Than After avec Marcelo Grez, le bassiste de ce même collectif. Ils sortent leur premier album intitulé True Ways mais finissent par se séparer.

Après son passage à The Voice Chile, l’artiste entreprend une carrière solo. Elle sort le single Got Me en 2016 puis, les titres Tres Meses (2017), Never et Balada 1 en 2018. Velvet, son premier opus, voit le jour la même année.

Velvet est une ode à l’amour saphique composée de mélodies veloutées où plane le timbre doux de la chanteuse, telle une caresse. En écoutant ce disque pop mi-rock, mi-électro, mi-folk intégralement chanté en anglais, on peine à croire que son autrice et compositrice nous vient d’Amérique Latine. Ce caractère anglo-saxon qui fait certainement l’originalité du disque dans le paysage musical chilien, est influencé par l’environnement musical européen dans lequel son père la baignait durant son enfance.

Mon avis reste toutefois en demi-teinte, je n’ai pas été totalement séduite par cet album. My Game est une ballade sensuelle que l’on pourrait ajouter à une bedroom playlist. Balada 1 allie douceur, volupté et mélancolie. Never et la très synthpop Don't Say It sont mes titres préférés de l’album. Got Me se laisse écouter mais sans plus. Les folks And Why et Middle sont ennuyantes de même que Strange, Old Love et Red.

L’on ne peut pas plaire à tout le monde cependant, le talent de Martina Petric et la visibilité lesbienne qu’elle offre à travers ses textes et ses clips sont indéniables.

 


 

Daniela Vega.jpgDaniela Vega est une mezzo-soprano et actrice chilienne. A l’âge de huit ans, un de ses professeurs découvre son talent pour le chant lyrique et, elle joue par la suite dans des petites productions à Santiago. A quinze ans, elle fait son coming-out transgenre auprès de sa famille qui la soutient.

Très jeune, elle développe son goût pour les arts et, en 2011 devient la vedette de La Mujer Mariposa, biodrama de una transfiguración. Cette pièce écrite et mise en scène par Martín de la Parra est en partie inspirée de la transition de Vega. L’œuvre rencontre un franc succès et est à l’affiche de plusieurs théâtres chiliens pendant cinq saisons.

En 2014 elle apparaît dans le clip de María de l’artiste chilien Manuel García et elle est Elena, un personnage transgenre dans le film La visita de Mauricio López Fernández. Ce début cinématographique lui permet de se rendre à divers festivals et de gagner ses premières récompenses. En 2015, les Rencontres du cinéma sud-américain à Marseille la sacrent meilleure actrice. De 2016 à 2017, elle se produit dans la pièce Migrantes avant d’être recrutée comme consultante sur le long-métrage Une femme fantastique (2017) réalisé par Sebastián Lelio. Finalement, elle décroche le rôle principal de ce drame et incarne Marina, une serveuse transgenre rêvant de devenir chanteuse et, qui doit faire face à la mort soudaine de son compagnon. Le film acclamé par la critique remporte le Teddy Award (prix décerné lors de la Berlinale aux films LGBTQ+) et l’Oscar du meilleur long-métrage en langue étrangère. Une femme fantastique vaut aussi une pluie de récompenses à la jeune femme. En 2017 le Festival international du nouveau cinéma latino-américain de La Havane et le Festival de Lima la consacrent meilleure actrice. Le Festival international du film de Palm Springs la déclare meilleure actrice d’une film en langue étrangère et, le Prix Fénix du Cinéma ibéro-américain prime ses talents d’actrice la même année.

Grâce au rôle de Marina, Daniela Vega connaît une notoriété fulgurante dans son pays. A sa sortie en Avril 2017, le film soulève un débat national. En effet, le Chili est à l’époque en pleine discussion sur un projet de loi facilitant le changement d’état civil.

Daniela Vega interprète les chansons Ombra Mai Fu et Sposa Son Disprezzata toutes deux présentes sur la bande originale d’Une femme fantastique. En 2018, elle est devenue la première présentatrice transgenre des Oscars. Vous pouvez la retrouver actuellement dans la websérie Les Chroniques de San Francisco et dans la série La jauría.

 

 

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Marilina Bertoldi est une auteure-compositrice et l’une des figures de la nouvelle scène du rock alternatif Marilina Bertoldi.jpgargentin.  De 2010 à 2015, elle sort deux opus avec son groupe Connor Questa. En parallèle, l’artiste sort en 2011, El peso del aire suspirado, un EP de six titres puis, La presencia de las personas que se van en 2014. Après la séparation de Connor Questa, elle fait son retour avec Sexo con modelos (2016) nominé dans la catégorie meilleur album rock aux Latin Grammy Awards. L’année suivante, il est couronné meilleur album rock aux Gardels d’or (l’équivalents de nos Victoires).

Prender un fuego (2018), son troisième disque remporte le prix du meilleur album rock aux Gardels d’or 2019. Il y est aussi sacré meilleur album de l’année, une première depuis 1999 pour une artiste féminine et de manière générale pour une artiste indépendante. Dans son discours de remerciements, Marilina Bertoldi rappelait cette réalité tout en ajoutant « aujourd’hui c’est une lesbienne qui gagne ce prix ».

Affirmer sa sexualité alors qu’elle venait de recevoir cette récompense importante constituait pour l’artiste un acte symbolique. En effet, cette dernière admettait, d’une part, que son « statut » de femme et homosexuelle l’avait confronté à des obstacles dans sa vie personnelle et sa carrière. D’autre part, elle voulait offrir une visibilité à la communauté LGBTQ du pays. Si ce « coming-out » a suscité des réactions, ce sont surtout ses propos sur les réseaux sociaux qui ont fait polémique. Marilina Bertoldi critiquait un rock argentin dominé par les hommes et où les femmes sont peu considérées.

Sexo con modelos est un concentré de rock brut. Malgré la solidité musicale de l’album, je n’ai pas vraiment accroché aux mélodies presque industrielles. Seuls Cosas Dulces, Enterrarte, Y deshacer et Unbreak Me tirent leur épingle du jeu. La presencia de las personas que se van est un disque plus épuré qui, avec ses guitares sèches, flirte parfois avec la folk. Ce rock nuancé m’a davantage plus mais, c’est Prender un fuego qui fait la différence. Cet album m’a embarquée du premier au dernier morceau. L’artiste y distille une énergie communicative aux travers de onze titres à la solidité homogène.

Marilina Bertoldi est un mélange de PJ Harvey et The Pixies. Cette découverte musicale inattendue est un coup de cœur. Sa sœur aînée est chanteuse et guitariste du groupe de rock Eruca Sativa.

 


 

 

Chocolate Remix.jpgRomina Bernardo est une chanteuse, compositrice et productrice argentine leader du groupe de reggaeton « lesbien et féministe » Chocolate Remix. Sur scène Romina, surnommée « Choco », est accompagnée par la chorégraphe, danseuse et percussionniste Belén Bobadilla.

L’aventure musicale commence en 2013, lorsque Romina publie la chanson Nos hagamos cargo sur Facebook. Suivent ensuite les titres Lo que las mujeres quieren (2014) et Ni una menos (2017). En Février 2017, Sátira, leur premier EP sort. Ce dernier compte sept titres parmi lesquels des inédits dont Bien Bow, remix de Dem Bow du chanteur de dancehall Shabba Ranks. Dans les paroles de la chanson originale, l’artiste jamaïcain utilise la sexualité entre hommes comme une métaphore anticoloniale. « Bow » signifie « faire la révérence », « s’incliner ». Selon un article du blog Rhythmic Solidarity, le message de Shabba Ranks est très clair : ne pliez pas face aux blancs et à l’oppression, n’ayez pas des pratiques sexuelles bizarres comme eux. Choco s’est emparée du riddim pour détourner complétement le message premier du morceau. Ainsi, l’on passe d’une homophobie explicite à un hymne à l’amour et à l’acceptation de soi célébrant fièrement la communauté LGBTQ+.

Le détournement n’a pas vraiment de secret pour la jeune argentine. Pionnière du reggaeton lesbien, elle s’est réappropriée ce genre musical machiste et misogyne où le plaisir sexuel de l’homme est central tout en en brisant les codes hétéronormés. A travers sa musique, Choco donne un rôle de premier plan aux femmes et plus particulièrement aux lesbiennes. A l’image des artistes masculins de reggaeton, elle partage ses désirs sexuels et la satisfaction qu’elle en retire. La femme non plus cantonnée à la seule position d’objet désiré devient actrice de sa propre sexualité et, se réapproprie alors son corps.

Le discours féministe de Chocolate Remix se matérialiste en prônant une émancipation corporelle, sexuelle mais aussi des normes sociales. Lo que las mujeres quieren (Ce que veulent les femmes) est une leçon d’éducation sexuelle à l’intention des hommes cis hétéros qui m’a fait penser à la très explicite Lick It de God Des & She. A la différence de la chanson précédente, Choco invite les hommes à ne plus envisager le plaisir phallique comme un but nécessaire mais, à explorer d’autres options. La reggeatonera qui fait d’ailleurs bon usage de ces dernières, se vante alors que les femmes préfèrent avoir des relations intimes avec elle plutôt qu’avec des hommes focalisés sur leur plaisir personnel. Dans Como a mi me gusta (comment j’aime ça), Choco explique le genre de femmes qui lui plaît. Le clip vidéo de ce titre, censuré sur Youtube en 2017, montre des couples lesbiens au lit. L’artiste a dénoncé le caractère misogyne et lesbophobe de cette interdiction. Ni una menos lui permet de condamner les féminicides et la violence envers les femmes en rappelant aux hommes que celles-ci ont aussi un libre arbitre. Te dije que no (Je t’ai dit non), sortit en Mai dernier, complète ce message. Dans la chanson, Choco est importunée dans un bar par un dragueur lourd duquel elle repousse violemment les avances.

Sátira est bourré de titres rythmés aux mélodies entêtantes. Il s’agit d’une invitation à se déhancher sans complexes sur la piste de danse, le tout sous fond de revendications féministes. Chocolate Remix fait danser le public sur des sujets sérieux comme M.I.A. Elle réadapte les conventions hétéronormées du reggaeton pour mettre en avant une femme lesbienne et libérée.

 


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