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16/03/2014

Looking, bilan de la saison une (spoilers).

Je m’attendais à regarder une énième fiction sur les gays, mais que nenni ! Looking est avant tout une série sur l’amitié, celle qui lie Patrick « Paddy », Augustín et Dom. Au fil des épisodes, notre trio va de déboires amoureux, en désillusions et accomplissements. Paddy, le geek de la bande est un concepteur de jeux vidéo maladroit et pas très sûr de ce qu’il veut. Augustín, l’artiste perfectionniste et raté a un côté hipster. Dom, l’aîné du groupe, peu confiant en lui au départ affirmera son ambition et son audace. Ces personnages tantôt attachants tantôt agaçants partagent une belle complicité. Leur évolution coule de source, mais l’issue de leurs storylines respectives bien qu’attendue fonctionne. Les huit épisodes de la saison, longs d’une vingtaine de minutes, laissent au spectateur le temps d’être en manque du trio, et chaque scène dialoguée ou non, a sa place dans ce temps imparti. Looking est aussi une série sur la vie. Chaque scène est une pièce qui s’imbrique dans un puzzle amoureux, amical et professionnel. C’est un tableau, un instant « vérité » du quotidien comme on en voit peu dans les séries. L’écriture scénaristique est spontanée et sincère, les personnages sont maîtrisés. La gay-friendly San Francisco choisit comme décor change des autres villes où l’on voit évoluer les LGBT à la télé. La série nous donne l’image d’un SF agréable à vivre et dynamique.

Cette saison courte a obligé les scénaristes à condenser les thématiques abordées, à ne pas s’éparpiller, à garder un cap. Ils parlent du couple dans sa complexité au travers de sujets universels et parfois peu traités. Paddy n’a eu qu’un seul petit ami. La relation improbable qu’il entame avec Richie, un charmant coiffeur mexicain, illustre la maxime « les contraires s’attirent ». Le destin de cette histoire semble tracé d’avance. Paddy vient d’un milieu privilégié, et Richie est un fils d’immigrés de la classe ouvrière. S’il est épanoui dans son métier, Paddy voudrait que son chéri aspire à autre chose, ouvrir son propre salon de coiffure par exemple. Les scénaristes nous vendent un couple voué à l’échec, mais on s’y attache. Tout comme les deux jeunes hommes on croit à cette romance, une perversité scénaristique poussée à l’extrême dans « Looking for the Future ». Devant cet épisode en stand-alone, une parenthèse romantique et sensuelle, je ne pouvais que fondre. Les accords de basse joués en début d’épisode par Richie avaient suffi à me convaincre qu’il était le petit ami idéal—quiconque joue de la basse est une personne parfaite. Enfermés dans la bulle des personnages, on vit un rêve éphémère avec eux. On a déjà oublié l’instant de complicité partagé entre Paddy et son patron Kevin un épisode plus tôt. Les chapitres suivants, la tension sexuelle entre ces deux hommes pris ne fera que se confirmer. Les scénaristes ne font pas durer le suspense, et ce qui devait arriver se passe dans un season finale plein d’émotions pour Paddy. Richie rompt avec lui, car il commence à tomber amoureux mais ne sent pas Paddy prêt à s’engager. En effet, Patrick est un jeune homme constamment dans le doute, la peur. Il voyait déjà le collier porte-bonheur que lui avait offert Richie comme une bague de fiançailles à son doigt. Ce symbole est à l’image de leur relation précipitée mais intense. J’ai été heureuse d’entrer dans l’intimité de ce couple fragile, de vivre avec eux les bons comme les mauvais moments. Au début, j’en ai voulu à Patrick de saborder son bonheur et celui de Richie. Cependant, je me suis rendue compte que ce n’était pas de sa faute, car son manque d’expérience ne l’a pas armé pour accepter ce bonheur, mais je crois surtout qu’il n’est pas prêt à s’engager sentimentalement. Les contraintes de temps n’ont malheureusement pas permis d’explorer davantage la différence de classe sociale et de culture des deux personnages. Malgré tout, ces deux sujets sont traités avec efficacité. Je me suis parfois reconnue dans les hésitations et les craintes de Patrick.

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L’union libre qu’Augustín et son petit ami Frank affichaient dans le pilot me plaisait par son audace scénaristique. Looking nous présente un couple ouvert d’esprit où la confiance semble au beau fixe. Peu à peu, ce portrait s’effrite. Augustín se révèle être un petit ami ingrat pour qui, Frank, dévoué, décroche des opportunités professionnelles. Ce n’est pas tant ce manque de reconnaissance et la mollesse d’Augustín que son narcissisme et son côté manipulateur qui m’ont exaspérée. L’artiste frustré qu’il est rejette tout sa colère et sa déception sur Frank en le rabaissant, en le traitant comme sa chose. L’épisode où il paie CJ, un homme prostitué, pour coucher avec son copain et ainsi réaliser un projet artistique, démontre à quel point il est malsain. En effet, Frank prend son pied durant ce rapport qu’il ne soupçonne pas tarifé et Augustín ose jalouser cette complicité sexuelle. Au final, la tournure que prend leur relation met en évidence les attentes différentes qu’ils ont du couple. D’autre part, elle souligne le caractère autoritaire et égoïste d’un Augustín face à celui, moins affirmé, d’un Frank prisonnier d’une relation à sens unique. Les quatre vérités lancées par ce dernier à son copain avant de rompre étaient un moment jubilatoire. Le season finale propose un aperçu de ce que pourrait être l’Augustín post-rupture. L’abus de pilules et d’alcool pourrait être un cocktail dépressif détonnant. Si tel est le choix des scénaristes, espérons que cette période fera gagner en maturité à notre barbu. Après avoir déversé toute mon exaspération sur Augustín, je tiens à dire que j’aime la sympathie et la bienveillance qu’il dégage dans ses rapports amicaux. D’ailleurs, la dernière scène du season finale où il s’est endormi devant un épisode de Les craquantes, puis est rejoint par Paddy m’a touchée.

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Malgré toute la sympathie qu’il dégage, Dom est le personnage duquel je ne me suis sentie proche qu’avec le temps. Le fait qu’il soit plus âgé et son profil « d’homme rangé »— si on oublie les relations tarifées qu’il a —contrastent avec le côté plus fougueux de ses amis, mais ces trois caractères se complètent. Durant les deux premiers épisodes, je trouvais ce personnage plus effacé par rapport à ses camarades. Le Dom du début me parlait moins que celui qui, après avoir revu son ex petit ami chef d’entreprise, décide de réaliser ses ambitions professionnelles. Dom a vécu une relation où il n’était pas traité à sa juste valeur, et c’est de cette expérience qu’il tire sa force afin de s’accomplir en tant qu’homme et patron. Il ouvre un restaurant et s’associe avec Lynn (Scott Bakula), un entrepreneur d’une cinquantaine d’années. L’attirance de Dom pour ce dernier se fait sentir dès leur rencontre dans un hammam. Seulement, Lynn refuse de mélanger vie privée et professionnelle. Pourtant, il ne semble pas insensible à Dom comme le montre le bouquet de fleurs qu’il lui fait livrer à son anniversaire. Au final, Dom passe outre les réticences de Lynn et l’embrasse sur un coup de tête. Je suis contente qu’il ait fait le premier pas et que Lynn ne l’ait pas repoussé. Ce baiser était naturel, et le plaisir des personnages était réciproque. Cela laisse présager le début d’une relation amoureuse qui aura sûrement droit à son lot de hauts et de bas. Pourtant, je sens ces deux hommes sereins, compte tenu de leur âge je présume. En définitive, Dom  est devenu un ami que j’ai aimé soutenir dans ses démarches, un ami dont le succès m’a réjouie et à qui je souhaite le meilleur pour la saison prochaine. Car oui, Dom est un type posé, gentil et qui a la gnaque. C’est l’ami qu’on voudrait tous avoir, c’est un ami qui vous tire avec le haut.

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Looking n’est pas une simple comédie dramatique, c’est un buddy show, un « Les craquantes meets Queer as Folk ». On adopte Patrick, Augustín et Dom comme nos vrais potes, ceux qu’on félicite et qu’on engueule parfois, ceux qui nous font sourire et qui nous énervent, ceux avec qui on a envie de partager la pluie comme le beau temps. Après une saison une si courte et sans fausses notes, il est difficile de quitter notre trio. Mais attentes pour cette saison deux ne manqueront pas d'exigences. J'espère que la série sera moins prévisible et arrivera à nous surprendre dans sa/ses direction-s tout en continuant d'aborder des problématiques plus approfondies. Looking aura été le vent de fraîcheur de cet hiver, une série jeune et moderne.  

15:51 Publié dans séries | Lien permanent | Commentaires (0)

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