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12/06/2019

Pride Month Music: Amérique Latine.

Aujourd'hui, nous faisons escale au Chili et en Argentine avant de quitter le continent américain pour les Caraïbes. Rendez-vous samedi pour un nouvel article.

 

Jour 4: escale au Chili + Argentine.

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En 2015, Martina Petric bluffe les jurés de The Voice Chile avec son interprétation guitare-voix de One Martina Petric.jpgdu groupe U2. La jeune femme quitte le télé-crochet en demi-finale mais, compte bien percer dans la musique. Bercée par le rock des années 70 qu’écoutait son père, elle reçoit une guitare électrique à ses quinze ans et se met à composer des chansons. Ce que Martina Petric considérait à l’époque comme un hobby devient progressivement une passion dévorante à laquelle elle décide de se consacrer.

Elle est membre du groupe Life Noise puis forme le duo Before Than After avec Marcelo Grez, le bassiste de ce même collectif. Ils sortent leur premier album intitulé True Ways mais finissent par se séparer.

Après son passage à The Voice Chile, l’artiste entreprend une carrière solo. Elle sort le single Got Me en 2016 puis, les titres Tres Meses (2017), Never et Balada 1 en 2018. Velvet, son premier opus, voit le jour la même année.

Velvet est une ode à l’amour saphique composée de mélodies veloutées où plane le timbre doux de la chanteuse, telle une caresse. En écoutant ce disque pop mi-rock, mi-électro, mi-folk intégralement chanté en anglais, on peine à croire que son autrice et compositrice nous vient d’Amérique Latine. Ce caractère anglo-saxon qui fait certainement l’originalité du disque dans le paysage musical chilien, est influencé par l’environnement musical européen dans lequel son père la baignait durant son enfance.

Mon avis reste toutefois en demi-teinte, je n’ai pas été totalement séduite par cet album. My Game est une ballade sensuelle que l’on pourrait ajouter à une bedroom playlist. Balada 1 allie douceur, volupté et mélancolie. Never et la très synthpop Don't Say It sont mes titres préférés de l’album. Got Me se laisse écouter mais sans plus. Les folks And Why et Middle sont ennuyantes de même que Strange, Old Love et Red.

L’on ne peut pas plaire à tout le monde cependant, le talent de Martina Petric et la visibilité lesbienne qu’elle offre à travers ses textes et ses clips sont indéniables.

 


 

Daniela Vega.jpgDaniela Vega est une mezzo-soprano et actrice chilienne. A l’âge de huit ans, un de ses professeurs découvre son talent pour le chant lyrique et, elle joue par la suite dans des petites productions à Santiago. A quinze ans, elle fait son coming-out transgenre auprès de sa famille qui la soutient.

Très jeune, elle développe son goût pour les arts et, en 2011 devient la vedette de La Mujer Mariposa, biodrama de una transfiguración. Cette pièce écrite et mise en scène par Martín de la Parra est en partie inspirée de la transition de Vega. L’œuvre rencontre un franc succès et est à l’affiche de plusieurs théâtres chiliens pendant cinq saisons.

En 2014 elle apparaît dans le clip de María de l’artiste chilien Manuel García et elle est Elena, un personnage transgenre dans le film La visita de Mauricio López Fernández. Ce début cinématographique lui permet de se rendre à divers festivals et de gagner ses premières récompenses. En 2015, les Rencontres du cinéma sud-américain à Marseille la sacrent meilleure actrice. De 2016 à 2017, elle se produit dans la pièce Migrantes avant d’être recrutée comme consultante sur le long-métrage Une femme fantastique (2017) réalisé par Sebastián Lelio. Finalement, elle décroche le rôle principal de ce drame et incarne Marina, une serveuse transgenre rêvant de devenir chanteuse et, qui doit faire face à la mort soudaine de son compagnon. Le film acclamé par la critique remporte le Teddy Award (prix décerné lors de la Berlinale aux films LGBTQ+) et l’Oscar du meilleur long-métrage en langue étrangère. Une femme fantastique vaut aussi une pluie de récompenses à la jeune femme. En 2017 le Festival international du nouveau cinéma latino-américain de La Havane et le Festival de Lima la consacrent meilleure actrice. Le Festival international du film de Palm Springs la déclare meilleure actrice d’une film en langue étrangère et, le Prix Fénix du Cinéma ibéro-américain prime ses talents d’actrice la même année.

Grâce au rôle de Marina, Daniela Vega connaît une notoriété fulgurante dans son pays. A sa sortie en Avril 2017, le film soulève un débat national. En effet, le Chili est à l’époque en pleine discussion sur un projet de loi facilitant le changement d’état civil.

Daniela Vega interprète les chansons Ombra Mai Fu et Sposa Son Disprezzata toutes deux présentes sur la bande originale d’Une femme fantastique. En 2018, elle est devenue la première présentatrice transgenre des Oscars. Vous pouvez la retrouver actuellement dans la websérie Les Chroniques de San Francisco et dans la série La jauría.

 

 

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Marilina Bertoldi est une auteure-compositrice et l’une des figures de la nouvelle scène du rock alternatif Marilina Bertoldi.jpgargentin.  De 2010 à 2015, elle sort deux opus avec son groupe Connor Questa. En parallèle, l’artiste sort en 2011, El peso del aire suspirado, un EP de six titres puis, La presencia de las personas que se van en 2014. Après la séparation de Connor Questa, elle fait son retour avec Sexo con modelos (2016) nominé dans la catégorie meilleur album rock aux Latin Grammy Awards. L’année suivante, il est couronné meilleur album rock aux Gardels d’or (l’équivalents de nos Victoires).

Prender un fuego (2018), son troisième disque remporte le prix du meilleur album rock aux Gardels d’or 2019. Il y est aussi sacré meilleur album de l’année, une première depuis 1999 pour une artiste féminine et de manière générale pour une artiste indépendante. Dans son discours de remerciements, Marilina Bertoldi rappelait cette réalité tout en ajoutant « aujourd’hui c’est une lesbienne qui gagne ce prix ».

Affirmer sa sexualité alors qu’elle venait de recevoir cette récompense importante constituait pour l’artiste un acte symbolique. En effet, cette dernière admettait, d’une part, que son « statut » de femme et homosexuelle l’avait confronté à des obstacles dans sa vie personnelle et sa carrière. D’autre part, elle voulait offrir une visibilité à la communauté LGBTQ du pays. Si ce « coming-out » a suscité des réactions, ce sont surtout ses propos sur les réseaux sociaux qui ont fait polémique. Marilina Bertoldi critiquait un rock argentin dominé par les hommes et où les femmes sont peu considérées.

Sexo con modelos est un concentré de rock brut. Malgré la solidité musicale de l’album, je n’ai pas vraiment accroché aux mélodies presque industrielles. Seuls Cosas Dulces, Enterrarte, Y deshacer et Unbreak Me tirent leur épingle du jeu. La presencia de las personas que se van est un disque plus épuré qui, avec ses guitares sèches, flirte parfois avec la folk. Ce rock nuancé m’a davantage plus mais, c’est Prender un fuego qui fait la différence. Cet album m’a embarquée du premier au dernier morceau. L’artiste y distille une énergie communicative aux travers de onze titres à la solidité homogène.

Marilina Bertoldi est un mélange de PJ Harvey et The Pixies. Cette découverte musicale inattendue est un coup de cœur. Sa sœur aînée est chanteuse et guitariste du groupe de rock Eruca Sativa.

 


 

 

Chocolate Remix.jpgRomina Bernardo est une chanteuse, compositrice et productrice argentine leader du groupe de reggaeton « lesbien et féministe » Chocolate Remix. Sur scène Romina, surnommée « Choco », est accompagnée par la chorégraphe, danseuse et percussionniste Belén Bobadilla.

L’aventure musicale commence en 2013, lorsque Romina publie la chanson Nos hagamos cargo sur Facebook. Suivent ensuite les titres Lo que las mujeres quieren (2014) et Ni una menos (2017). En Février 2017, Sátira, leur premier EP sort. Ce dernier compte sept titres parmi lesquels des inédits dont Bien Bow, remix de Dem Bow du chanteur de dancehall Shabba Ranks. Dans les paroles de la chanson originale, l’artiste jamaïcain utilise la sexualité entre hommes comme une métaphore anticoloniale. « Bow » signifie « faire la révérence », « s’incliner ». Selon un article du blog Rhythmic Solidarity, le message de Shabba Ranks est très clair : ne pliez pas face aux blancs et à l’oppression, n’ayez pas des pratiques sexuelles bizarres comme eux. Choco s’est emparée du riddim pour détourner complétement le message premier du morceau. Ainsi, l’on passe d’une homophobie explicite à un hymne à l’amour et à l’acceptation de soi célébrant fièrement la communauté LGBTQ+.

Le détournement n’a pas vraiment de secret pour la jeune argentine. Pionnière du reggaeton lesbien, elle s’est réappropriée ce genre musical machiste et misogyne où le plaisir sexuel de l’homme est central tout en en brisant les codes hétéronormés. A travers sa musique, Choco donne un rôle de premier plan aux femmes et plus particulièrement aux lesbiennes. A l’image des artistes masculins de reggaeton, elle partage ses désirs sexuels et la satisfaction qu’elle en retire. La femme non plus cantonnée à la seule position d’objet désiré devient actrice de sa propre sexualité et, se réapproprie alors son corps.

Le discours féministe de Chocolate Remix se matérialiste en prônant une émancipation corporelle, sexuelle mais aussi des normes sociales. Lo que las mujeres quieren (Ce que veulent les femmes) est une leçon d’éducation sexuelle à l’intention des hommes cis hétéros qui m’a fait penser à la très explicite Lick It de God Des & She. A la différence de la chanson précédente, Choco invite les hommes à ne plus envisager le plaisir phallique comme un but nécessaire mais, à explorer d’autres options. La reggeatonera qui fait d’ailleurs bon usage de ces dernières, se vante alors que les femmes préfèrent avoir des relations intimes avec elle plutôt qu’avec des hommes focalisés sur leur plaisir personnel. Dans Como a mi me gusta (comment j’aime ça), Choco explique le genre de femmes qui lui plaît. Le clip vidéo de ce titre, censuré sur Youtube en 2017, montre des couples lesbiens au lit. L’artiste a dénoncé le caractère misogyne et lesbophobe de cette interdiction. Ni una menos lui permet de condamner les féminicides et la violence envers les femmes en rappelant aux hommes que celles-ci ont aussi un libre arbitre. Te dije que no (Je t’ai dit non), sortit en Mai dernier, complète ce message. Dans la chanson, Choco est importunée dans un bar par un dragueur lourd duquel elle repousse violemment les avances.

Sátira est bourré de titres rythmés aux mélodies entêtantes. Il s’agit d’une invitation à se déhancher sans complexes sur la piste de danse, le tout sous fond de revendications féministes. Chocolate Remix fait danser le public sur des sujets sérieux comme M.I.A. Elle réadapte les conventions hétéronormées du reggaeton pour mettre en avant une femme lesbienne et libérée.

 


08/06/2019

Pride Month Music: Amérique Latine.

Jour 3 : escale en Colombie + Brésil.

Aujourd’hui, nous débarquons en Colombie et au Brésil. Si je ne connaissais aucun artiste LGBT+ colombien, la musique des brésilien.nes Jaloo et Mahmundi ne m’était pas inconnue. Lors de mes recherches, j’ai découvert beaucoup d’artistes LGBTQ+ au Brésil et ai donc du faire une sélection. J’ai choisi de mettre en avant des artistes afro-brésiliens car, bien qu’importante, cette communauté est souvent marginalisée.

La présence, sur le devant de la scène brésilienne, d’artistes LGBTQ+ est un acte politique fort. Ce dernier redouble en intensité lorsqu’il s’agit de personnalités noires. Etre LGBTQ+ et afro-descendant est un double handicap sous la présidence de l’extrémiste Jair Bolsonaro. Le pays compte l’un des plus grand taux de meurtres LGBTQ+ phobes au monde. En 2018, 420 personnes LGBTQ+ ont été tuées et, cette année, l’on compte déjà 141 victimes selon l’association Grupo Gay da Bahia. Le mois dernier, la Court Suprême brésilienne votait en majorité pour que l’homophobie et la transphobie deviennent des crimes condamnables. Si l’on peut saluer cette décision tardive, la menace qui pèse sur les droits LGBTQ+ ne doit pas être ignorée.

Rendez-vous mercredi prochain pour notre dernière escale en Amérique Latine.

 

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Esteman.jpgEsteban Mateus Williamson, plus connu en Colombie sous le pseudonyme d’Esteman, est un chanteur et auteur-compositeur. Passionné de musique depuis son enfance, il décide d’en faire son métier durant ses études universitaires. Le vidéo de clip de sa chanson No te metas a mi Facebook fait un tabac sur Youtube et permet au jeune homme de se faire connaître du grand public. En 2012, il sort 1er Acto, son premier album puis, Caótica Belleza (2015) et Amor Libre (2019). En 2016, il a été nominé aux Latin Grammy Awards en tant que « meilleur nouvel artiste » et son second album dans la catégorie « meilleur album de musique alternative ».

La pop d’Esteman est joyeuse et colorée, deux aspects que ses clips souvent chorégraphiés illustrent. Sa musique me rappelle Life in Cartoon Motion et The Boy Who Knew Too Much, les deux premiers opus de Mika que j’avais bien aimé, le tout avec une touche latine. En effet, on retrouve chez le colombien un côté comédie musical qui transparaît dans certains de ces titres et vidéos clips.

Je n’ai pas aimé 1er Acto sûrement parce que sa pop filtre davantage avec la folk. J’ai cependant accroché à l’électro pop affirmée de ses albums suivants. Pour autant, ce n’est pas le genre de musique que je me vois écouter régulièrement mais plutôt à l’occasion pour danser. La très guillerette Baila est mon morceau préféré tout albums confondus. Il mêle mélodies disco et synthpop, un mariage super efficace. Solo et ses accents de cumbia électro teintée de sonorité amérindienne avec ses flûtes m’a bien plu par sa richesse. Noche Sensorial et ses beats reggaeton m’a aussi embarquée. 7 Días est très entraînante, un contraste saisissant avec le thème de l’amour déçu abordé. Une chose sûre, la musique d’Esteman met de bonne humeur.

Esteman est ouvertement gay. Il décrit Amor libre comme son album le plus personnel et honnête. En effet, à travers ce dernier il se livre de manière naturelle sur sa sexualité dans l’espoir de lever les tabous qui l’entourent. Le clip de Fuimos Amor exemplifie parfaitement son intention, on y voit un couple d’homme s’aimer puis se séparer. Dans Noche Sensorial, c’est un coup de foudre en soirée qui est dépeint. J’ignore si Esteman a gagné son pari en Colombie mais, je suis heureuse que dans les clips de cet opus il normalise l’amour homosexuel masculin, un représentation encore trop peu présente.


 

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Jaloo.jpgJaloo est un.e auteur.ice- composieteur.ice, DJ et producteur.ice originaire de Pará, un état du nord du Brésil. Peu intéressé.e par la musique dans son enfance, tout change à dix-huit ans lorsqu’iel découvre l’électro et Björk. En 2010, iel remixe des titres et propose des mashups entre artistes nationaux et internationaux. Oblivion Loló mashup entre un morceau de Grimes et un autre de la funkeira MC Carol est salué par Grimes.

Après avoir quitté sa région natale, Jaloo s’installe à São Paolo et devient producteur.ice dans un studio. Son premier single Ah! Dor! (2012) raconte sa rupture douloureuse avec son premier petit ami. En 2013, iel réinterprète Wrecking Ball de Miley Cyrus. Iel traduit en portugais les paroles de sa chanson et adapte la mélodie pop originale en un style tecno braga (un style musical originaire du nord brésilien).

#1, son premier album résolument tecno braga sorti en 2015 allie les beats électroniques aux sonorités pop. Je ne parle pas portugais mais, en écoutant Jaloo le mot joie me vient à l’esprit tant sa musique est pétillante. Ses mélodies me font hocher de la tête et onduler du corps. Vem et Pa Parará sont des morceaux idéaux pour se déhancher en soirée. Fluxo est un titre dansant où la voix de l’artiste plane, presque chamanique. Chuva, tout aussi entraînant, est teinté par les rythmes traditionnels amérindiens. Cette influence plus marquée dans Odoiá (In Your Eyes), offre un beau mariage entre tradition et modernité. A Cidade, est un autre morceau qui ne manquera pas de fédérer avec son mélange de beats électro et percussions. Vous l’aurez compris, #1 est un disque à écouter sans modération qui vous donnera la pêche.

Jaloo a dévoilé quelques titres inédits en 2018 et cette année : Céu Azul, un duo avec MC Tha que j’ai beaucoup écouté en boucle, Say Goodbye un featuring avec BADSISTA, Cira, Regina e Nana un duo avec Lucas Santtana. J’adore Dói d+, son featuring avec Nave et l’ambiance qui se dégage du vidéo clip. Chega, sa collaboration avec les artistes Duda Beat et Mateus Carrilho sortie le mois dernier m’a moins embarquée. J’ai cependant hâte d’écouter un nouvel album, surtout s’il est de l’acabit des autres titres cités.

Jaloo a fait ses premiers pas sur le grand écran avec le film brésilien Paraíso Perdido (2018) où iel joue le rôle d’Imam, une drag queen.

Jaloo a des origines amérindiennes et est genderfluide. Iel est en préparation de son second album.

 

Quebrada Queer.jpegQuebrada Queer est le premier groupe de hip-hop brésilien composé exclusivement de membres gays. Autre particularité du groupe, tout ses membres sont afro-brésiliens et viennent des quartiers pauvres de São Paulo. Crée en 2018, le quintet composé de Guigo, Harlley, Lucas Boombeat, Murillo Zyess et Tchelo Gomez compte bien faire entendre la voix des communautés ethniques et sexuelles marginalisées du pays. 

La nécessité de dénoncer le racisme, les inégalités sociales et les LGTB-phobies qui touchent la société brésilienne a poussé les cinq artistes à unir leur talent. Le groupe influencé par Nicki Minaj, Cardi B, Beyoncé et Todrick Hall critique l’industrie hip-hop discriminante au Brésil. En effet, en tant qu’artistes solos, les membres du groupe avaient du mal à se faire connaître et être visible auprès d’un plus large public.

Lucas Boombeat expliquait dans un interview que les professionnels du milieu et le public ne les perçoivent pas toujours comme un groupe de rap légitime du fait de leur sexualité. La plupart des rappeurs brésiliens poursuivait-il sont hétérosexuels et, même si certains apprécient leur musique, beaucoup refusent d’être associés avec eux. La crainte d’être stigmatisés et de véhiculer une image d’homme « fragile » en serait la raison. L’étiquette homophobe et masculinité toxique qui colle au rap dissuade, selon lui, les LGBTQ+ d’écouter leur musique. Qu’à cela ne tienne, les jeunes hommes n’ont pas l’intention de se taire et veulent faire découvrir le rap d’un œil nouveau. A travers leurs textes, ils se réapproprient les insultes adressées aux LGBTQ+ pour montrer qu’elles ne les affectent pas et, font partie intégrante d’un langage qu’ils utilisent pour réaffirmer leur existence comme l’indique Harlley.

Leur premier single sortit en juin 2018 a rencontré un succès en ligne et s’est classé dans le top 50 de Spotify. Pour leur deuxième single Pra quem Douvidou (Pour ceux qui doutaient), les artistes ont fait appel à DJ Apuke, elle aussi membre de la communauté LGBTQ+. Leur chanson devient un tube sur Spotify Brésil. Le clip de ce morceau a généré des millions de vues sur Youtube et, a été nominé dans la catégorie « meilleur vidéo clip » au Rio WebFest 2018, l’un des plus importants festivals audiovisuels du pays.

Ser (2018), leur premier EP comporte cinq titres. Si je n’ai pas vraiment accroché aux morceaux (malgré un titre avec la drag queen Gloria Groove), leur message politique et d’acceptation ne m’a pas laissée indifférente.

 

Marcela Vale plus connue sous le nom de Mahmundi est une interprète et autrice-compositriceMahmundi.jpg originaire de Rio de Janeiro. En 2010, elle se sépare du groupe Old Irish au sein duquel elle était chanteuse, guitariste et compositrice pour se lancer dans une carrière solo. Deux ans plus tard, elle sort de manière indépendante son premier EP Efeito das Cores. Setembro (2013), son second EP sort via le label Abtjour Records. Après le succès de ses deux EP’s, Mahumdi, son album éponyme voit le jour en 2016 avec le label Skol Music. Para Dias Ruins (2018), son second opus, est quant à lui produit par Universal Music Brazil.

Mahmundi nous offre une musique légère et sophistiquée imprégnée par la pop des années 80. Sans surprise, les synthétiseurs ont donc la part belle sur Efeito das Cores et Setembro. Ce côté rétro, s’il ne m’a pas toujours séduite, n’a rien de désuet et fonctionne efficacement avec la touche brésilienne qu’y ajoute l’artiste. Setembro est à mon sens plus abouti que son prédécesseur car, Mahmundi y affirme véritablement son style. Le mariage batterie et synthétiseur de Arpoador, Quase Sem Querer et Prelúdio rappelle Phil Collins.

Mahmundi m’a donné l’impression d’écouter un disque pop-rock anglais des 80’s mais en portugais, un retour dans le passé rafraîchissant avec ce charme brésilien. Les pop-rock Eterno Verão, Desaguar et Calor Do Amor sont des morceaux rythmés et efficaces. Azul avec ses synthétiseurs et percussions a quelque chose d’électro bossa nova. Meu Amor est un titre sensuel qui oscille entre synthpop et soul. Quase Sempre est une jolie ballade. Sentimento, un autre ballade, conclue l’album en alliant une tendresse forte qui fait penser au smooth jazz.

L’artiste réaffirme son amour pour la pop des années 80 à travers Para Dias Ruins, un opus tout aussi réussi que le précédent. Ce neuf titres est une invitation à se relaxer et se laisser bercer par la musique mais pas seulement. Felicidade, mon morceau préféré est le plus complexe de l’album. En effet, l’artiste y mêle beats électros, synthpop et percussions traditionnelles nous proposant ainsi un mariage mélodique original pour se déhancher. Imagem est un autre souffle de pop énergique. Tempo Pra Amar est le genre de chanson que je me vois bien écouter en faisant bronzette sur la plage et As Voltas rappelle la douceur d’une Cesaria Evoria.

Mahmundi est une bouffée de pop ensoleillée qui ravira vos oreilles. Mahmundi a été élu sixième meilleur album de 2016 par le magazine Rolling Stones Brésil.


 

Liniker.jpgLiniker Barros est leader du groupe de soul Liniker E Os Caramelows. Ce dernier est composé de Rafael Barone (basse), William Zaharanszki (guitare électrique), Péricles Zuanon (batterie), Márcio Bortoloti (trompette), Fernando TRZ (piano), Marja Nehme (percussions), Eder Araújo (saxophone) et Renata Éssis (choriste).

Après s’être liée d’amitié avec des musiciens à Araraquara, sa ville natale, la chanteuse transgenre Liniker leur propose de former un groupe et, c’est ainsi qu’en 2015, Liniker et ses Caramelows naissent. A leurs débuts, la transidentité de Liniker souvent mise en avant par les médias nationaux a éclipsé la présence des autres membres du groupe. La chanteuse préfère d’ailleurs qu’on ne se focalise pas sans cesse sur elle mais, avant tout sur la musique du collectif. Si sa volonté est entièrement légitime, la dimension politique qu’elle apporte dans le paysage musical brésilien se doit d’être soulignée. Entre 2008 et 2016 l’ONG Trans Respect recensait la mort de 868 personnes transgenres au Brésil. Liniker offre une visibilité à une communauté victimisée et persécutée.

Cru, leur premier EP paraît en octobre 2015 et compte trois titres enregistrés en live. En parallèle, le groupe publie sur Youtube des lives de ces morceaux qui remportent des millions de vues. Sortit de manière indépendante en 2016, Remonta leur premier album, reçoit des critiques positives et est élu troisième meilleur disque de l’année par Rolling Stones Brésil. Leur dernier album Goela Beneath est paru en mars dernier.

Parmi ses influences, Liniker cite Etat James, Aretha Franklin ou encore Whitney Houston, des divas de talent auxquelles la chanteuse n’a pas à envier le charisme ni la présence scénique. La soul tropicale du groupe parfois saupoudrée de funk ou de rock est festive et communicative. Les versions studios des chansons, ne parviennent pas à nous faire partager ces émotions contrairement à leurs versions live. Liniker brille, solaire, sur scène accompagnée par ses acolytes. Leur prestation au festival Lollapalooza Brésil en 2018 est juste magique, je pense avoir fait le plein d’amour pour les jours à venir. Invitez-les à Lollapalooza Paris s’il-vous-plait !

Liniker E Os Caramelows, voilà un groupe qui porte bien son nom. Leur musique est aussi délicieuse que des caramels et, une fois qu’on goûte à leurs concerts live, on en redemande encore.


05/06/2019

Pride Month Music: Amérique Latine.

Aujourd’hui, nous continuons à découvrir d'autres artistes LGBTQ+ d'Amérique Latine. Après une escale rapide au Guatemala, nous prendrons la direction du Venezuela.

Rendez-vous samedi pour un nouvel article.

Jour 2: Guatemala + Venezuela.

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Rebecca lane.jpgPoétesse et rappeuse guatémaltèque, Rebeca Lane est une sociologue de formation. La jeune femme se revendique féministe, anarchiste et indigéniste. Même si elle se dit bisexuelle, l’artiste n’aime pas les étiquettes. Néanmoins, elle n’a pas honte de parler de sa sexualité et rappelle que l’homosexualité est taboue au Guatemala et qu’assumer ouvertement sa sexualité dans certains pays du continent américain est dangereux voire mortel.

A travers son rap féministe et révolté, l’artiste aborde plusieurs problèmes qui affectent son pays. Le droit des femmes, les violences qu’elles subissent et la société patriarcale sont des thèmes majeurs de sa musique. Dans la chanson Este cuerpo es mío elle dénonce les violences conjugales et, plus récemment, elle s’insurge contre les féminicides avec Ni una menos. Ce titre fait d’ailleurs écho aux manifestations éponymes qui ont secoué une partie de l’Amérique Latine et l’Espagne pour protester contre les meurtres et violences envers les femmes. L’émancipation des traditions et le besoin d’indépendance sont également des revendications qui imprègnent ses textes. Le titre Corazón Nómada (2015) est une déclaration d’amour poétique à la femme.

La rappeuse parle aussi de l’histoire du Guatemala et, notamment de la guerre civile (1960-1996) dans ses paroles. Marquée par la disparition de sa tante, poétesse et guérilla sous le régime militaire, Rebeca Lane devient, très jeune, militante pour la justice sociale et le devoir de mémoire. Elle est fondatrice du mouvement Somos Guerreras, un collectif visant à combattre le sexisme dans la culture hip-hop.

En 2012, elle sort un album avec le collectif Última Dosis. Canto, son premier opus solo voit le jour l’année d’après puis, suivent Poesía Venenosa (2015), Dulce Muerte (2015), Alma Mestiza (2016) et Obsidiana (2018). La voix brute et engagée de Rebeca Lane est un souffle de renouveau dans le hip-hop d’Amérique latine.

Sur son blog http://mujeresdebolsagrande.blogspot.com/ où l’on peut lire ses poèmes, Rebeca Lane écrit sur le pseudonyme de Miss Penny Lane. L’artiste a également publié des essais sur le site academia.edu.









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Karen Martello.jpgPassionnée par la musique depuis son enfance, Karen Martello remporte à 17 ans le concours « Primer Festival de la Voz Panamericana » et, décide ensuite de se consacrer à la musique. Elle se produit dans des hôtels, des casinos et des fêtes avant de décrocher un contrat dans une maison de disque. Ne vous fiez pas aux apparences, Karen Martello n’est pas un rockstar et encore moins une rappeuse hip-hop. Surnommée la « tenorina » par certains professionnels du milieu, la jeune femme a une voix de contralto et, bien qu’appréciant le chant lyrique, c’est dans un genre musical différent qu’elle s’illustre : le merengue. J’ai moi-même été surprise par la voix « masculine » de l’artiste qui, par certains aspects, me rappelle celle de Celia Cruz.

No te voy a perdonar (2013), son premier single, mêle la pop-rock à un soupçon de musique mariachi. Bésame Así (2014), son premier succès en Amérique Latine, marie l’électro pop au merengue. Avec Dueño de Nada (2015) et Sigo Esperando (2017) l’artiste nous propose des titres pop-rock lyriques. Je préfère Soy mas fuerte que tu (2015), un morceau d’électro merengue entraînant à souhait.

Karen Martello a été la première artiste vénézuélienne à se marier aux Etats-Unis après que la Cours Suprême a reconnu comme légal le mariage homosexuel. En 2016, son ex-femme Brenda Rover et elles sont devenues mères de jumeaux via une fécondation in-vitro. Le couple vivait au Panama, pays où réside toujours la chanteuse.

  

 

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Née à Caracas, Alejandra Ghersi de son nom de scène Arca, est une productrice, DJ, interprète et performeuse installée à Londres. L’artiste a produit des grands noms tels que Kanye West, FKA Twigs ou encore Frank Ocean. Elle a aussi collaboré avec Björk sur son album Vulnicura (2015) et plus récemment Utopia (2017) où elle a co-écrit et co-produit des morceaux. Arca apparaît d’ailleurs dans le clip de Arisen my Senses.

Ses trois albums, Xen (2014), Mutant (2015) et Arca (2017) ont tous été salués par la critique. un concentré de mélodies électroniques oscillant entre trip-hop et musique expérimentale. Il s’y dégage une atmosphère mi-relaxante mi-mystique. L’influence de Björk plane sur Mutant et Arca, deux disques aux titres résolument singuliers.

A l’image de Björk, Arca surprend et déroute. Sa musique ne plaira pas à tout le monde mais, a le mérite d’offrir un dépaysement. Ses deux premiers albums uniquement constitués de morceaux instrumentaux sont idéaux pour créer des ambiances de fond. Arca nous invite à un voyage mystique où l’artiste pose sa voix.

Arca est non-binaire et utilise le pronom elle.