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17/01/2014

Cut, pilot: une coupe franche avec les fictions françaises?

Il est de ces liens internet sur lesquels on clique par simple curiosité. Le pilot de Cut fait partie de ces heureux hasards de la toile. J’avais entendu parler de cette série française à son arrivée sur l’antenne de FranceÔ sans pour autant y prêter attention. Les horaires de diffusion ne m’arrangeaient pas et au final, j’ai oublié cette nouveauté. Enfin ça, c’était jusqu’à hier soir ! Produite par Terence Films (Foudre) et Adventure Line Production (Fort Boyard et Koh-Lanta), la série a achevé sa première saison ce mois-ci, et une deuxième saison devrait bientôt suivre. Au casting, on retrouve beaucoup de têtes inconnues à l’exception d’Ambroise Michel (Plus belle la vie), Joséphine Jobert (Nos années pension, Foudre, Sous le soleil de Saint-Tropez) et Julie Boulanger (Sous le soleil, Léa Parker, VDM la série). Je ne m’attendais pas à grand-chose en appuyant sur play—euphémisme pour vous dire que je m’attendais au pire— mais j’ai été agréablement surprise.

 

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Laura Park mère célibataire exilée en France élève Jules, son fils de 17 ans. La vie rangée et calme de ces derniers est bouleversée par la venue inopinée de Charles De Kervelec, le grand-père de Jules et ex beau-père de Laura. L’homme trop longtemps éloigné de son petit-fils les fait venir à la Réunion où vit la famille paternelle de l’adolescent qui croyait, Stéfan, son père décédé, orphelin. Bien qu’elle sente que Charles leur tend un piège, Laura revient sur son île natale qu’elle avait quittée pour fuir cet homme puissant et manipulateur. Ce pitch de départ ne brille pas par son originalité. Il reprend le thème ultra éculé de la rupture familiale et des tensions au sein de celle-ci. Les clichés ne lui font pas défaut. Dans la catégorie du tyran menteur, stratège et sans scrupules, Charles remporte la palme d’or. Laura, elle, est la parfaite veuve éplorée qui ne parvient toujours pas à oublier son premier amour dix-sept ans après son décès. Ce deuil non fait nous donne droit à une séquence nostalgie très gnangnan sur la plage, où une Laura en pleures se rappelle de Stéfan. Les émotions au cœur de cette scène sont toutes aussi exagérées que le malaise de la jeune femme en revoyant Charles. Jules est quant à lui, le prototype de l’adolescent naïf et insouciant, qui on le devine, ne tardera pas à déchanter.

Si cette histoire est bateau et use de nombreux clichés, à quoi bon regarder le pilot me demanderez-vous justement ? Eh bien, je vais vous en donner de bonnes raisons ! Tout d’abord, l’on a affaire à une série dramatique, alors que je m’attendais à tomber sur un copier-coller de Baie des flamboyants et son spin-off Les Flamboyants— feuilletons de Jean-Luc Azoulay tournés en Guadeloupe— version réunionnaise. J’ignore si la série tend vers le soap opera par la suite, en tout cas ce genre n’est pas visible dans le pilot. Si de futures histoires amoureuses semblent s’amorcer, elles ne font pas de l’ombre à l’intrigue familiale. Le thème central de la série est celui du retour aux racines et de la recherche de ses origines, deux sujets qui me parlent personnellement. Réapprendre à vivre dans un environnement que l’on a quitté depuis des années et s’adapter à un nouvel environnement, (ré)créer un lien familial sont des problématiques classiques, certes, mais qui ont une dimension particulière pour les insulaires des DOM-TOM installés en France Métropolitaine. L’intégration d’une narration transmédia à l’histoire est un procédé original. Le personnage de Jules a une page Facebook et Twitter actualisée en fonction du récit et en temps réel. Dans cet épisode, il filme en partie son voyage jusqu’à La Réunion, puis son arrivée à Saint-Denis avec son smartphone et ses notifications Facebook apparaissent en bas de l’écran. Cette mise en abîme narrative permet à Cut de se faire un joli coup de pub sur les réseaux sociaux tout en fidélisant ses fans. Dans cet épisode, elle permet de découvrir l’île autrement que par les magnifiques plans aériens et les séquences de vie en ville. On peut reprocher à la série d’accentuer le côté paradisiaque de La Réunion avec ces vues de la nature, d’une belle plage ou encore au travers de la riche famille De Kervelec. Néanmoins, j’aurais tendance à dire que les séries françaises tournées dans les DOM-TOM veulent avant tout faire rêver le téléspectateur métropolitain et le dépayser. Cut y parvient naturellement, et m’éloigner des grandes villes américaines de mes séries habituelles m’a fait du bien. C’est une bouffée d’air frais qui reprend le stéréotype agaçant du « sur les îles tout est beau, la vie est belle » et masque une réalité socio-économique des DOM-TOM, mais ça reste une bouffée d’air frais divertissante. La rencontre entre Laura et Adil (Ambroise Michel) sur plage, puis en fin d’épisode est un énième cliché. Je devais être d’humeur fleur bleue hier soir parce que j’ai aimé la connexion qu’il y avait entre les deux personnages. Ambroise Michel dont je trouvais le personnage quasi asexuel dans Plus belle la vie, est ici bourré de charme et de sex-appeal sans pour autant tenir un rôle superficiel. Le peu de temps qu’il apparaît à l’écran, Adil dégage une aura mystérieuse, il semble être un personnage secret comme je les aime. La durée des épisodes— une vingtaine de minutes— permet d’éviter les longueurs inutiles et crée une excitation à connaître la suite.

Cut est le genre de série dont je m’imagine bien regarder deux ou trois épisodes d’une seule traite. Malgré son aspect transmédia peu utilisé dans les fictions françaises, elle reste un drame classique qui, sans pour autant se démarquer véritablement des autres séries made in France, pourrait devenir un guilty pleasure. Voilà le prototype de série à qui je ne demande pas la lune, mais simplement de me changer les idées, et c’est une mission accomplie par ce pilot. 

 

Voici un teaser de Cut. La chanson Tourner la page de Zaho accompagne aussi le générique. 


19:12 Publié dans Pilot, séries | Lien permanent | Commentaires (0)

15/01/2014

Pilot : True Detectives ou la fin du buddy cop show ?

Avec Matthew McConaughey et Woody Harrelson pour têtes d’affiche, True Detectives, la série policière d’anthologie d’HBO ne pouvait qu’attirer mon attention. Le label de la chaîne à péage, gage de qualité, et les trailers intrigants mis en ligne ont ajouté à ma hâte de découvrir cette nouvelle fiction. Alors, je vous le dis dès maintenant, mes attentes ont été comblées par ce pilot savoureux de A à Z.

 

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Le témoignage face caméra de Rust Cohle et de Martin Hart, deux anciens co-équipiers au sein d’une brigade criminelle en Louisiane, donne le point de départ à notre histoire. Les deux hommes ouvrent à nouveau le dossier d’une affaire veille de dix-sept ans pour les policiers qui les interrogent. En 1995, une jeune femme non-identifiée est retrouvée sans vie dans un champ. Son corps est dénudé et ses mains sont ligotées. Elle a subi des tortues. Cohle, fraîchement débarqué dans la brigade locale et Hart mènent à cette occasion leur première grand enquête ensemble. Le duo qui se met en quête de l’identification de la victime, puis d’un potentiel suspect ne s’apprécie guère. Cohle, secret et pessimiste de nature est cartésien. Il a une philosophie sur la vie et l’humanité qui lui est toute particulière. Ses opinions font plusieurs fois grincer des dents son partenaire qui le décrit comme un personnage mystérieux enclin à dire des inepties. Hart, est un époux et un père de famille pris par son travail. Cohle, alcoolique pas totalement repenti porte encore le deuil de sa fille qui a eu raison de son mariage. Cette partie du passé de Cohle est évoquée au détour d’une conversation qui permet de mieux cerner l’inspecteur. A bien y regarder, cet homme est un loup solitaire, un aspect de sa personnalité auquel la bière « Lone Star » qu’il boit fait un clin d’œil.

L’enquête des deux inspecteurs est très sombre. Le ton de la série est donné dès le générique. Ce dernière mis en musique avec une bande son de country alternative est visuellement beau. On reconnaît là le souci d’esthétisme des productions HBO toujours présent à une époque où les intros sont à la mode. La réalisation renforce la noirceur de l’intrigue. Celle-ci est accentuée par le faible éclairage choisi dans certaines scènes, et la violence des plans faits sur la victime. La sensation de confinement elle est aussi dominante. La caméra de Cary Joji Funkunaqa nous enferme dans les locaux de la police, dans une voiture de fonction, chez Hart ou encore dans un bar, le soir. Certains décors sont dépouillés comme l’appartement de Cohle, le parking de la morgue est sans vie et désolant, tout cela à l’image de cette ville qui semble être située au fin fond de la Louisiane. Les retours dans le présent permettent de fuir un temps cette atmosphère pesante. La narration de l’épisode par Cohle et Hart face à la caméra des inspecteurs afro-américains a, d’une part, un côté « confessions intimes » et parfois (auto) analyse. D’autre part, elle apporte davantage d’intérêt à l’histoire initiale qu’elle complexifie. 

Le pilot de True Detectives est un épisode lugubre qui n’a nul besoin d’hémoglobine à la The Following ou la Hannibal pour nous glacer le sang. Il fait partie de ces épisodes difficiles à digérer et après lesquels je n’arrive pas à regarder une autre série. J’éviterai donc les visionnages en soirée. Par moments, j’ai trouvé que l’épisode tendait vers le thriller, ce qui ne fût pas pour me déplaire. Dimanche dernier, ce season premiere a réuni 2.3 million de téléspectateurs, marquant ainsi le second meilleur démarrage d’une série sur HBO après celui de Broadwalk Empire en 2010. Souhaitons que ces bons scores se maintiennent, il me tarde de découvrir la suite.

Ma réplique favorite :

Martin: You got any sleep last night?

Russ: I don’t sleep, I dream.

 

 

Le générique de True Detectives.


18:20 Publié dans Pilot, séries | Lien permanent | Commentaires (0)

13/01/2014

Torka aldrig tårar utan handskar, Sjukdomen (1x02).

Alors que le premier chapitre de Torka aldrig tårar utan handskar avait valeur d’introduction, ce deuxième volet nous fait entrer dans le vif de l’épidémie du SIDA. Des révélations clés sont faites, nous offrant ainsi un épisode bouleversant de bout en bout. Diffusé en octobre 2012 sur la chaîne suédoise SVT1, « Sjukdomen », le titre de ce chapitre que l’on peut traduire par « maladie » porte bien son nom.

 

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Rasmus et Benjamin vivent une relation amoureuse classique et épanouie, bien que celle-ci soit cachée de leurs familles respectives. Benjamin décide même de s’installer avec son « ami » Rasmus, un garçon mystérieux qui serait plus rassurant aux yeux de ses parents s’il était un Témoin de Jéhovah lui aussi. Malheureusement, les envies de liberté de Rasmus auront raison de cette lune de miel. Alors que son petit ami veut d’une relation exclusive, Rasmus davantage intéressé par une union libre préfère papillonner de droite à gauche. Malgré leur vision discordante sur la vie de couple, l’amour que les deux jeunes hommes se portent l’un à l’autre crève l’écran. Les marques d’affection qu’a Rasmus envers Benjamin en présence de leurs amis sont naturelles et touchantes. Adam Pålsson et Adam Lundgren partagent une complicité belle et sincère.

Les souvenirs heureux d’enfance de Rasmus et Benjamin hantent la narration ponctuée d’allées et retours dans le temps. L’enchaînement des scènes fait parfois penser à un collage où bout à bout ont été alignés, dans le désordre, des épisodes marquants dans la vie des personnages. Bien qu’elle conserve une certaine logique, cette structure narrative non-linéaire m’a au début dérangée, car j’ai eu par moments du mal à me situer dans le temps. Les fins de scènes qui se clôturent souvent avec un climax abrupt ne m’ont pas facilité la tâche elles aussi. Néanmoins, à mesure que j’ai avancé dans le déroulement de l’histoire je suis parvenue à me repérer. Il y a une certaine circularité dans la réalisation et la narration qui fait écho au cycle de la vie imprégné ici de poésie.

En effet, la naissance, la renaissance et la mort sont des figures centrales dans « Sjukdomen ». Les souvenirs de vacances de Rasmus et Benjamin— à la mer pour l’un et dans une maison de campagne pour l’autre— sont là pour nous rappeler l’enfance et l’innocence révolues des deux jeunes hommes. Le coming-out du couple amorce le début d’une seconde vie exempte de mensonges, mais aussi le deuil que font des parents de leur fils et le deuil que celui-ci fait de sa vie familiale. On aura droit aux traditionnels « es-tu sûre » de ton homosexualité ? « Tu peux combattre ce mal qui te ronge » et « il existe un remède à tout ça ». Ces propos ont une résonnance toute particulière en ces années 1980 où les homosexuels étaient vus comme des damnés payant le prix de leurs « péchés » en attrapant le SIDA. Par ailleurs, l’épisode a l’intelligence d’évoquer par touches légères subtilement intégrées cette homophobie et le discours religieux qui y est attaché. Rabâcher ce genre de discours entendu maintes et maintes fois n’aurait fait qu’alourdir l’histoire. La foi de Benjamin n’est pas utilisée en soi comme un prétexte moralisateur, mais on l’explore dans sa complexité, sa contradiction. En outre, ses croyances, bien que raillées par Rasmus, ne sont pas diabolisées. Ce parti pris, du moins dans cet épisode, accentue l’aspect documentaire de la série qui souhaite avant tout immerger le téléspectateur dans un groupe de la communauté gay stockholmoise lors d’une période charnière.

 

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La mort rôde autour de nos héros et dans leur sympathique groupe d’amis qui ne serait pas pareil sans le flamboyant Paul, sosie suédois de Patrick Juvet. Bien que clichée, la scène où tout ce petit monde regarde Dynasty chez Paul apporte une bouffée de légèreté dans cet épisode qui en avait bien besoin. Les montages parallèles de scènes extrêmement poignantes avec d’autres séquences décuplent le drame qui se joue devant nos yeux sans pour autant que le ton soit exagéré. La poésie et la symbolique de certaines de ces séquences apportent charme et sensibilité à cette histoire sombre. L’interprétation des acteurs est juste de vérité, et on ne peut être qu’en empathie avec ces personnes sur qui le ciel s’effondre. Les dix dernières minutes de l’épisode centrées sur Bengt, un ami acteur de la bande, ajoutent à la difficulté de ce chapitre qui aura été allégorique jusqu’au dernier plan.

Ma réplique favorite: "Dynstay is not TV, it's a religious experience" (Paul).